- pat
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Date d'inscription : 31/07/2007
L'amour évangélique?
Comment à partir de cette constatation puis-je introduire l'amour dans ma vie?
Comment ?
Si je reste sur le mode de l'émotion ou des sentiments, les hommes ne m'apparaissent pas d'emblée aimables
De l'idée d'amour il va falloir passer au vouloir aimer. Mais n'est-t-il pas vain de vouloir se forcer à aimer sentimentalement tous les Hommes ?
Jésus qui a bien compris cela, parle du prochain, du semblable. Ce n'est pas un concept nouveau. Déjà l'ancien testament parlait de l'amour du prochain, mais le message évangélique transforme cette invitation en un concept universel. Il ne s'agit plus d'aimer son proche, celui de son clan, mais d'aimer aussi l'étranger.
Il ne s'agit plus d'aimer d'une manière émotive, mais d'aimer d'une manière volontaire.« Au contraire, aimez vos ennemis... », rapporte Luc( 6-27 )
Impossible d'aimer son ennemi si on reste sur un plan émotif. Comment forcer ses sentiments au point d'aimer celui qui nous a fait du mal. Quand bien même je le voudrais, ma conscience s'y refuserait.
Alors, Jésus nous propose un autre concept, un concept raisonnable: celui de la ressemblance des hommes entre eux. En prenant conscience que l'autre est mon prochain, qu'il me ressemble vraiment, je peux l'aimer comme moi-même, justement pour la simple raison qu'il me ressemble.
L'autre devient un humain comme moi.
Par le bien, par le mal que nous faisons tous, nous nous ressemblons, nous sommes proches et c'est par cette proximité solidaire que je peux les aimer tous.
Aimer l'autre, c'est prendre conscience que je fais partie de la même communauté que lui.
En acceptant cette communauté de destin, il m'est, alors, plus facile d'aimer indistinctement tous les hommes.
- InvitéInvité
Re: L'amour évangélique?
Personnellement je ne dévalorise pas les émotions et les sentiments. Bien au contraire même.
Ils sont comme des "capteurs" du monde intérieur par le monde extérieur dans lequel ils se manifestent dans un sens ou dans l'autre. Ils transmettent des messages. Leurs sources est bien "intérieur".
Les émotions et les sentiments peuvent avoir aussi une face "négative", mais cela ne change rien au problème.
Quelques soient leurs formes, leurs forces, ils matérialisent une réaction spirituelle de même sens.
D'un sens opportun puisqu'il s'inscrit dans une situation précise.
Aimer, au sens sentimental, ne serait que dire ou écouter leurs aspects positifs, en s'adressant et ne voyant que la surface des choses
Jésus n'a pas toujours dit ou fait des choses que les gens de son époque souhaitaient entendre, ou subir. C'est bien sa conscience spirituelle qui se formulait dans des paroles ou des actes.
Quand il chasse les marchands du temple, d'un certain point de vue (superficiel) ce n'est pas vraiment cool ou aimable !
Il n'y a rien d'exceptionnel à cela.
Il n'est pas vain de les aimer, pour la simple raison que la cause de leur existence est la même que la notre.Mais n'est-t-il pas vain de vouloir se forcer à aimer sentimentalement tous les Hommes ?
Lorsque Jésus dit ceci il ne s'exprime que différemment.Alors, Jésus nous propose un autre concept, un concept raisonnable: celui de la ressemblance des hommes entre eux.
Aussi, je préfère au terme d'ennemi, celui d'adversaire. Adversaire, parce qu'il est dans l'adversité, littéralement "dans un sort contraire".
Un sort contraire à sa propre nature, à sa nature profonde.
Un sort contraire dont je suis la cause ou dont je ne suis pas la cause.
Ne le sachant pas d'avance, je ne pourrais me permettre de juger cet adversaire. Le sachant, je peux me changer pour devenir comme lui ou l'aider pour que ...
Pat je te laisse le mot de la fin.L'autre devienne un humain comme moi.
Aimer l'autre, c'est prendre conscience que je fais partie de la même communauté que lui.
- pat
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Date d'inscription : 31/07/2007
Re: L'amour évangélique?
Ce n'est pas que je désire tellement que tu me laisses aussi le début. ('')
Juste quelques précisions sur cette notion si importante de l'amour évangélique.
Bien sûr que je ne dévalorise pas les émotions et les sentiments. Les personnes que j'aime (amis, parenté...)sont des personnes avec qui je partage des émotions et des sentiments. Je me sens attiré par eux, j'éprouve des sentiments vis à vis d'eux comme on dit communément.
Mais je suis dans l'incapacité (personnellement) d'avoir cette proximité, cette connivence, ce rapport privilégié avec tous les hommes.
Alors je suis dans une impasse.?
D'autant que Jésus me dit que la vie spirituelle doit conduire à aimer tous les hommes même ses ennemis. Ennemi est plus radicale encore qu'adversaire. L'ennemi est celui qui me veut du mal , qui me déteste. Un adversaire dans son sens premier c'est aussi un ennemi, si on glisse dans le sens d'adversité, nous n'avons plus tout à fait le même sens.
Mais Jesus ne dit pas aimer ceux qui sont dans l'adversité ou s'il le dit c'est dans d'autres circonstances, et alors il fait appel à notre compassion.
Mais s'il s'agit vraiment d'un ennemi ou d'un adversaire au sens premier du mot, il me paraît difficile de faire appel à mes sentiments pour l'aimer.
Pour me rapprocher de lui, je fais donc appel à la notion de semblable, j'essaie de trouver en lui quelque chose qui me ressemble, pour faire de cette proximité le point d'ancrage de mon amour, ne pouvant pas le faire par le biais du sentimental.
C'est ainsi que l'autre devient « comme moi même », c'est à dire un être aimable, bon, généreux mais aussi un être détestable, méchant, égoïste. Et, je décide de l'aimer « comme moi même » parce que nous nous ressemblons terriblement. Pour autant je n'en fais pas un ami, parce que je ne souhaite pas partager avec lui mon intimité, ( en l'occurrence ce genre de sentiment se partage).
Quand je dis que l'autre devient un humain comme moi, cela veut dire que par l'effort que j'ai fait pour voir ce qui me ressemblait en lui, j'ai réussi à le rendre à mes yeux semblable à moi.
Ce que je trouvais détestable chez lui est aussi détestable chez moi et de ce fait je ne peux continuer de le détester sans me détester moi même.
De toute manière dans l'amour humain nous devons sortir du cadre sentimental si nous voulons aimer tous les hommes. Car comment aimer l'ennemi du genre humain, celui qui a tué, celui qui a martyrisé et qui a joui en voyant les autres souffrir.
Bien que nous ne soyons pas tous ainsi (Dieu soit loué) c'est encore ici par la notion de semblable que nous arrivons à surmonter la difficulté.
L'humanité toute entière est co responsable des monstruosités qu'elle a produites. Ce n'est pas l'affaire de quelques hommes, ils ne sont que le reflet de l'ensemble. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont aucune culpabilité personnelle, cela veut dire que par la proximité d'humanité que nous avons tous les uns avec les autres, ils demeurent nos semblables malgré tout et en ce sens ce sont nos frères.
Je comprends que cette notion est à la limite du supportable pour beaucoup d'entre nous, mais c'est la notion vers laquelle l'humanité doit tendre si elle veut retrouver quelque intimité avec son Créateur. C'est dans la notion de fraternité que Dieu pourra à nouveau se manifester à nous.
- InvitéInvité
Re: L'amour évangélique?
Mais je suis dans l'incapacité (personnellement) d'avoir cette proximité, cette connivence, ce rapport privilégié avec tous les hommes.
Alors je suis dans une impasse.?
Dans un autre fil de discussion avec Assunta, vous convenez que la pensée précède l'acte. A l'instar de cette observation, j'ai envie de dire que la manifestation du sentiment n'est que l'expression d'une attitude spirituelle. Je n'ai pas à essayer de te paraître aimable, mais j'espère l'être au final. C'est à dire que le sentiment se manifeste de lui-même sans que nous ayons à en rechercher la manifestation, sauf à vouloir plaire. Je n'ai donc pas à me soucier de manifester un sentiment (sentimentalisme), il est aussi incontrôlable qu'un sourire.
Je ne sais pas qui je rencontrerai demain ! mais il est possible que ce soit super ?
Ne (me) connaissant pas d'ennemi (personne qui me voudrait du mal), n'en ayant jamais rencontrer en un peu plus d'un demi-siècle, j'ai du mal à en parler (bien qu'ayant séjourné plusieurs mois dans les territoires occupés en Palestine où l'ambiance était très tendue).Ennemi est plus radicale encore qu'adversaire. L'ennemi est celui qui me veut du mal , qui me déteste. Un adversaire dans son sens premier c'est aussi un ennemi
Je pense que pour la majorité des gens c'est la même chose.
J'ai certes croisé des gens pas contents, fâchés, en colère, frustrés, marginalisés, ... mais jamais je pense qui aient pu avoir une attitude "radicale" dangereuse.
Certainement qu'il en existe par-ci par-là, mais fort heureusement ils ne sont pas légions. Et si ils sont tels, il y a souvent des raisons sous-jacentes que je pourrais peut-être comprendre. L'exemple type est celui du syndrome de Stockholm, une prise d'otages dans une banque, et les otages se mettent à avoir de l'empathie pour leurs "geôliers ".
Bref, je te concède que l'ennemi peut exister.
Ce que je veux faire apparaître, c'est qu'il faut effectivement le constater avant de se prononcer et de juger.
On peut dire "sales boches", ou "sus aux infidèles" comme aux temps des croisades ..."l'axe du mal" aujourd'hui ! ... et les mettre tous dans le même sac. C'est un raccourci trop simple, et pitoyable.
Il faut je pense garder à l'esprit qu'il y a derrière le mot ennemi beaucoup d'illusions, et que cela ne correspond pas à une réalité de terrain.
Illusions entretenues, véhiculées même dans les contes pour enfants "le dragon ou le loup qui terrorise les campagnes, le diable qui rôde, ...etc." trois fois hélas!
Illusions entretenues dans l'inconscient (ou le conscient ?) collectif au fil des siècles parfois. cas de l'antisémitisme par exemple (qui n'est pas une invention du fascisme, mais de la chrétienté médiévale).
La société a toujours su entretenir cette idée négative sur ce qui était étranger à elle-même, d'un étranger qui lui serait hostile et fratricide. En faisant cela elle ne légitime que son propre pouvoir en définissant son propre cercle, et se sert de nous-mêmes pour sa propre protection, et s'en ait servi dans l'histoire pour assujettir d'autres peuples.
Si Jésus nous invite à aimer l'étranger avant de le connaître, jusqu'à nos ennemis, c'est comme tu le dis, parce que nous sommes semblables, animés au départ du même Souffle divin. C'est un élément "essentiel" (c'est la cas de le dire)et primordial qu'il ne faut pas perdre de vue... pour que l'on ne se perde pas. C'est un point à partir duquel s'animeront nos pensées puis nos actes (dont la manifestation fraternelle ou sentimentale est un aspect).
En ayant dit cela, il nous met en garde contre nos illusions, nos pensées négatives sur l'autre qui ne pourraient qu'engendrer de mauvaises choses, de mauvais actes.
En ayant dit cela, son regard porte beaucoup plus loin que la vision étriquée d'un petit groupe humain.
En ayant dit cela, il nous invite à "apprécier" nos différences et pas à les rejeter.
Car comment aimer l'ennemi du genre humain, celui qui a tué, celui qui a martyrisé et qui a joui en voyant les autres souffrir.
C'est un fait qu'il y a eu des cas de figure comme ceux dont tu parles. La rancune n'améliorera pas l'affaire (parce que le pardon peut être très difficile) d'où l'importance de changer son regard pour que cela ne se reproduise plus. se changer pour changer le monde.
Cela passe par l'effort de dépasser nos petites habitudes "sociétales" et de s'ouvrir à celles des autres.
L'effort me paraît très supportable. Le contraire insupportable.
- pat
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Date d'inscription : 31/07/2007
Re: L'amour évangélique?
C'est vrai que suivant notre tempérament, notre histoire, notre éducation, nous avons une approche de l'autre plus ou moins spontanée, plus ou moins confiante, et tu fais bien de préciser que souvent nous fabriquons de toute pièce nos ennemis. Abattre les fantasmes que l'on se crée autour de la notion d'étranger ou d'étrangeté suffit souvent pour faire naître les conditions de l'amour évangélique.
En ce qui me concerne, comme toi, je ne me connais pas d'ennemi. Mais, malheureusement plusieurs millions de personnes au cours du siècle dernier et encore en ce début de siècle ont été confrontés à la haine, à la cruauté, à l'arbitraire de la persécution. Heureusement chacun d'entre nous n'a pas été éprouvé personnellement dans sa chair, mais la barbarie ambiante a fini par rendre tout le monde pessimiste sur le genre humain.
Comment ceux qui ont été éprouvés peuvent-ils sortir de la haine, de la barbarie ou, l'autre, malgré eux, voudrait les entraîner?
Comment aimer celui qui m'a humilié, qui a tué ceux que j'aimais , qui m'a déporté, qui m'a violé ?, j'arrête la liste.
Comment tous, pouvons nous à nouveau aimer l'homme qui s'est montré tellement inhumain parfois
Car, c'est celui là que Jésus me demande d'aimer malgré tout pour faire de l'amour humain le pivot de la spiritualité.
C'est quand la victime ré-humanise son bourreau qu'elle peut pardonner, qu'elle peut à nouveau aimer l'Homme, l'humain. Et qu'est ce que c'est que ré-humaniser sinon chercher le semblable, le prochain. Voir en lui la part d'humanité qu'il a en commun avec moi et la part d'inhumanité que j'ai en commun avec lui
Quel arrachement à soi-même, quel héroïsme parfois! et là nous sommes au coeur de la vie spirituelle.
D'aimer ceux qui nous sont aimables est assez facile, mais d'aimer ceux qui ne nous sont pas aimables....
.
Car nous n'aimons pas spontanément la différence, l'altérité. Ce n'est pas par ce biais que l'on peut introduire l'amour, même si cette différence (on le sait) est source d'enrichissement. C'est par la notion de proximité que dans un premier temps, je peux aimer l'autre et comme tu dis
:nous sommes semblables, animés au départ du même Souffle divin
Tant mieux, cependant, si certains d'entre nous peuvent aimer l'autre à partir de leur émotion, de leur sentiment, de leur spontanéité.Ce que je voulais mettre en évidence pour ceux qui ne le peuvent pas, c'est que cette notion d'amour évangélique plongent ses racines dans quelques chose de plus vaste, de plus universelle que notre propre émotivité ou subjectivité.
- InvitéInvité
Re: L'amour évangélique?
Rien ne peut créer l'amour, pas plus les lois que l'éducation parce qu'elle sera toujours limitée et restrictive. Pas de recettes, il survient et il vaut mieux partir du principe qu'il puisse surgir, même si cela ne se produit pas idéalement, systématiquement. Du respect, de l'amabilité, c'est déjà beaucoup.
Par moments j'ai l'impression que les choses sont ainsi faites pour que le monde se régule "de lui-même". J'entends par là que quelque soit le côté de la barrière où l'on se trouve n'a guère d'importance. Le monde tel qu'il s'est façonné (à partir de nos natures imparfaites) crée cette situation pour qu'il se rééquilibre. Cela ne marche pas à tous les coups ! loin s'en faut. Mais refuser de le voir, c'est s'opposer à ce que le monde aille mieux.
Je vais prendre un exemple concret, puisqu'il est personnel. J'espère qu'il sera significatif, montrera que "l'étranger" n'est pas si loin qu'on l'imagine, et que la proximité contribuera à mettre à mal cette illusion entretenue sur lui.
Au collège, j'avais donc environ 10 ou 11 ans, donc un peu avant mai 68, Te me suis lié d'amitié avec un copain d'école. Quoi de plus banal ! Mais il se trouve que cela a été l'occasion pour moi de comprendre ce que veut dire la lutte des classes, et je vous garantis que cela n'a rien à voir avec les grands discours, le prolétariat revendicatif d'un côté et les patrons méchants de l'autre. Tant pis pour Marx s'il doit revoir sa copie.
Il n'y avait pas de problème pour ce qui nous concernait en amitié, mais il y en avait au fait que nous n'appartenions pas au même monde soi-disant.
Je ne suis pas de sang bleu, ou d'une famille aristocratique, ou héritier de la bourgeoisie du XIX°, non. Mes grands-parents étaient petits commerçants et mon père était médecin, ce qui lui conférait une petite notabilité locale. Mon ami était d'un milieu ouvrier, son père était soudeur dans une usine qui fabriquait des tracteurs. Voilà pour la mise en scène que la vie avait installée.
Autant nos relations à mon ami et moi allaient comme une évidence, qu'elle ne l'étaient pas chez nos ascendants respectifs. Il n'y a juste que les discours qui variaient, d'un côté "On ne mélange pas les torchons avec les serviettes", et de l'autre "On ne mélange pas la carpe et la truite", ou "je suis inquiet pour toi, de tes mauvaises fréquentations" et de l'autre côté "Ce ne sont pas des gens pour toi, on est pas du même monde" ... etc. (je vous épargne l'inventaire, ni les ennuis que cette situation "éclectique" nous a coûté , mais je vous rassure, plus de 40 ans ont passé et nous sommes toujours potes, on se voit souvent et on s'entend comme des frères, nos enfants se connaissent et s'apprécient ...on a su résister !).
L'amour évangélique n'a pas fait partie de cet épisode.
Au-delà de considération ethnique, religieuse, politique, le monde social entretient lui aussi ses propres schismes (castes), sans qu'il y ait nécessairement violence, ou haine sous-jacente.
On peut être très mal poli, grossier, sans dire un seul gros mot.
Comment ceux qui ont été éprouvés peuvent-ils sortir de la haine, de la barbarie ou, l'autre, malgré eux, voudrait les entraîner?
Comment aimer celui qui m'a humilié, qui a tué ceux que j'aimais , qui m'a déporté, qui m'a violé ?, j'arrête la liste.
Comment tous, pouvons nous à nouveau aimer l'homme qui s'est montré tellement inhumain parfois
Très bonnes questions.
Je les résous mieux depuis que je connais la révélation d'Arès. D'une part parce qu'elle vient désavouer ces différenciations sourdes, mortelles parfois comme l'histoire en témoigne, et d'autre part à partir des notions de pénitence (changer) et de "Mémoire du Sacrifice"qui m'amène à considérer une alternative, entre des obscurités antiques, et des possibilités plus claires pour l'avenir. J'ai lu récemment qu'il y avait eu 34 guerres au cours du XXe siècle, ce qui n'est pas reluisant.
En fait on a pas d'autre choix que le chemin du Bien si l'on veut que les choses s'améliorent. C'est peut-être ce qu'il faudrait dire à ceux qui n'ont pas de comportements aimables, qu'ils risquent le sort de la ville de Sodome ou celui de la femme de Loth.
C'est quand la victime ré-humanise son bourreau qu'elle peut pardonner, qu'elle peut à nouveau aimer l'Homme, l'humain.
La réciproque est nécessaire, car à moins d'une capacité extraordinaire (ou stupide) à pardonner, cela ne fonctionne que si le bourreau a ré-humanisé sa victime au préalable.
"comment fonctionne la justice réparatrice ?"
Rosenberg :
"je l'ai vue fonctionner, par exemple avec des femmes qui avaient été violées et les hommes qui les avaient violées. Le premier pas consiste pour la femme à exprimer ce qu'elle veut que son attaquant comprenne. Maintenant, alors que cette femme a souffert presque chaque jour pendant des années depuis cette attaque, ce qu'elle exprime est plutôt brutal : "espèce de monstre ! j'aurai aimé te tuer "et ainsi de suite.
Ce que je fais alors c'est d'aider le prisonnier (violeur ndt) à se connecter à la souffrance vivante à l'intérieur de cette femme, souffrance qui est le résultat des actions de celui-ci. Habituellement, ce qu'il veut faire c'est s'excuser. Mais je lui dit que s'excuser c'est trop facile, trop peu. Je veux qu'il répète ce qu'il lui a entendu dire. Comment sa vie à elle a été si bouleversée.
Quand il ne peut pas répéter, je joue son rôle à lui. A elle, je lui dit que j'entends sa souffrance derrière tous ses cris, ses cris. Je lui montre à lui qu'en surface il y a la rage mais qu'en dessous il y a le desespoir d'une vie qui ne sera jamais plus la même. Et puis j'obtiens de l'homme qu'il répète ce que j'ai dit. Cela peut prendre 3, 4, 5 essais, mais finalement il entend l'autre personne. Déjà à ce moment là vous pouvez voir l'apaisement qui commence à se mettre en place, quand la victime obtient de l'empathie.
Puis je demande à l'homme de me dire ce qui se passe à l'intérieur de lui. Comment se sent-il ? Habituellement de nouveau il veut s'excuser. Il veut dire : "je suis un rat, je suis une saleté ". Et de nouveau j'obtiens qu'il creuse plus en profondeur. Et ceci est très effrayant pour ces hommes. Ils n'ont pas l'habitude de s'occuper de sentiments, encore moins de faire l'expérience de l'horreur de ressentir ce que c'est que d'avoir causé à un autre être humain une telle souffrance.
Quand nous avons dépassé ces deux premières étapes, bien souvent la victime crie : "comment avez-vous pu ? Elle est avide de savoir ce qui a pu pousser une autre personne à faire une telle chose. Malheureusement, la plupart des victimes avec lesquelles j'ai travaillé ont été encouragées à pardonner à leurs attaquants par des gens bien intentionnés. Ces personnes expliquent que le violeur a dû souffrir et a dû probablement avoir une enfance malheureuse. Et la victime essaie de pardonner mais cela n'aide pas beaucoup. Le pardon obtenu sans avoir d'abord passer par ces autres étapes, est superficiel. Cela supprime la souffrance.
Une fois que la femme a reçu de l'empathie, alors elle veut savoir ce qui s'est passé chez cet homme au moment ou il a commis cet acte. J'aide l'auteur de celui-ci à remonter jusqu'au moment de l'acte, et à identifier ce qu'il ressentait à ce moment là, quels étaient les besoins qui contribuaient à ces actes.
La dernière étape c'est de demander s'il y a quelque chose d'autre que la victime aimerait que l'auteur de l'acte fasse pour ramener la paix. Par exemple, elle pourra vouloir faire payer les notes de médicaments, ou elle pourra vouloir quelque restitution émotionnelle. Mais dés qu'il ya de l`empathie des deux côtés, c'est surprenant comment rapidement ils commencent à s'occuper du bien être de l'un et l'autre".
Au delà du bien et du mal : Marshall Rosenberg sur la création d'un monde non-violent
http://www.planetenonviolence.org/index.php?action=article&numero=397
- InvitéInvité
Re: L'amour évangélique?
tu dis
Au contraire il en a fait partie. L'amour évangélique n'est pas quelque chose de religieux (arésien ou autre) ou appartenant au social, à tout ce que définit une société, puisqu'il part du coeur. L'amour évangélique c'est aller au-delà des castes, des traditions qui enferment l'humain, c'est continuer à aimer même si on te dis que cette personne ne vaut rien, c'est oser désobéir devant l'aberration de certaines situations, c'est dire aussi ce qui ne va pas même si on risque d'être renié, rejeté, etc. Vous avez vraiment vécu l'amour évangélique toi et ton ami et donnez un exemple en cela puisque vous êtes toujours restés amis.L'amour évangélique n'a pas fait partie de cet épisode.
L'amour évangélique se vit simplement dès qu'on agit avec le coeur et n'annule pas le respect et/ou l'amour que l'on doit à ceux qui veulent nous diviser, nous rejeter ou autre . Malgré votre désobéissance aux injonctions parentales vous respectez tous deux vos parents. Mais vous avez voulu vivre votre amitié.
Ton exemple est très beau.
assunta
- pat
- Messages : 1898
Date d'inscription : 31/07/2007
Re: L'amour évangélique?
Quand je parle d'amour évangélique, je ne parle pas d'amour sentimental, ni d'amour parental, non pas qu'ils n'y soient pas intégrés, mais parce que nous n'avons pas de difficulté particulière (normalement) à aimer ceux que nous avons choisis ou que nous avons désirés.
Mais je veux aborder la question sous l'angle de l'amour de l'autre en général. Certes on trouvera naturellement et par inclination particulière plein de raisons d' aimer. Mais vis à vis de certains qui ont été particulièrement durs avec nous, le problème se pose.
Et c'est ceux là que Jésus nous demande aussi d'aimer
« Eh bien! Moi, je vous le dis : aimer vos ennemis et priez pour vos persécuteurs (Mt 5,44)
Dès lors la question n'est pas de savoir si l'autre m'aime ou pas, s'il me demande pardon ou pas pour le tort qu'il m'a causé, la question est essentiellement de savoir si moi je peux le considérer comme mon prochain et l'aimer comme moi-même, alors qu'il se déclare mon ennemi.
Dans l'amour évangélique notre attitude est indépendante de l'attitude de l'autre.
Quand tu dis : « la réciproque est nécessaire, car à moins d'une capacité extraordinaire (ou stupide) à pardonner, cela ne fonctionne que si le bourreau a ré-humanisé sa victime au préalable ».
il me semble que Jésus en demandant d'aimer même son ennemi, ne veut pas dire que la condition de cet amour soit que l'ennemi devienne ami, il dit qu'il faut aimer son ennemi.
Et ce n'est possible que si nous avons entamé un processus de transformation.
C'est une remise en question radicale de la conscience.
Certains y sont arrivé qui ont pardonné à leur bourreau, alors que celui ci ne demandait nullement pardon. Ils l'ont fait sans savoir ce que pensait leur bourreau. Peut-être n'ont-ils même pas dit à leur bourreau qu' ils lui pardonnaient, puisqu'il ne leur demandait rien.
L'important c'est d'aimer l'autre jusqu'à lui pardonner une offense qu'il ne regrette pas. Nous ne sommes plus dans la morale de: « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse »,qui est déjà une morale hautement humaniste.
Là, toute notion morale a disparu, nous sommes dans la déculturation complète.
Il ne s'agit même plus de changer notre comportement, il s'agit d'être autrement, d'avoir changé sa nature, d'avoir acquis d'autre réflexe, d'avoir barré la route à l'ego.
Nous sommes vraiment dans ce que la Révélation d'Arès appelle le changement du monde.
Pardonner « soixante dix sept fois sept fois », c'est entrer dans un état permanent de pardon.
C'est l'histoire de toute une vie.
Accéder à ce haut état d' humanisation ne se fait pas sans un effort constant.
Mais encore une fois, c'est un acte libre, personnel, qui aura ou n'aura pas d'impact sur autrui (Tant mieux si ça en a un) De toute manière notre attitude n'est pas une acceptation du préjudice qu'il nous a causé, pas plus que cela ne le dispense de sa responsabilité. Si lui, ne demande pas pardon, il engage sa propre vie sirituelle. Mais ce n'est pas à nous de lui dicter sa conduite.
Avant de terminer cette réponse, je signale que ce que je viens de dire est le résultat d'une connaissance davantage théorique que le résultat d'un véritable vécu.
Je le regrette.
Mais en même temps, je ressens intuitivement la vérité et la nécessité de ces paroles. Je les porte au fond de moi sans en sentir les effets. C'est assez frustrant. Je sais que d'autres ont intégré en eux ce comportement évangélique, et c'est de savoir cela qui me convint de continuer à espérer quelques progrès à la fois pour moi et pour d'autres qui ne croit même pas que cela soient possible. C'est à nous convaincre que cela est possible et à se mettre sur la route qui y conduit que nous sommes conviés.
- InvitéInvité
l'amour, hors-la-loi !
L'amour évangélique est par nature "HORS-LA-LOI", parce qu'il ne saurait être conditionné par aucune loi, aucun code, aucun héritage (pouvoir normatif) ethnique, culturel, cultuel, social, patrimonial ...L'amour évangélique c'est aller au-delà des castes, des traditions qui enferment l'humain, c'est continuer à aimer même si on te dis que cette personne ne vaut rien, c'est oser désobéir devant l'aberration de certaines situations, c'est dire aussi ce qui ne va pas même si on risque d'être renié, rejeté, etc.
[...]
L'amour évangélique se vit simplement dès qu'on agit avec le cœur et n'annule pas le respect et/ou l'amour que l'on doit à ceux qui veulent nous diviser, nous rejeter ou autre .
Il peut naître dans tous ces prés carrés, comme il peut se trouver au-delà.
Cela me paraît important de comprendre qu'il ne pourrait être confiné dans un "espace" défini par l'homme.
S'il fallait obéir à toutes ces codes (lois tacites), cela ferait de nous des esclaves de ces codes, et l'homme n'est pas fait pour le code.
"Non-obéissance" est plus approprié que "désobéissance".
On ne désobéit jamais à des lois (ou des injonctions) illégitimes, on ne leur obéit pas parce qu'on a pas à le faire.
(dans l'exemple personnel que je citais, ni mon ami ni moi n'avons eu un jour le sentiment de désobéir. Nous passions notre temps à contourner les obstacles)
Pat a écrit:
C'est une remise en question radicale de la conscience. [...]
Là, toute notion morale a disparu, nous sommes dans la déculturation complète.[...]
Il ne s'agit même plus de changer notre comportement, il s'agit d'être autrement, d'avoir changé sa nature, d'avoir acquis d'autre réflexe, d'avoir barré la route à l'ego.
La conscience est ce qu'elle est, elle nous permet de percevoir le monde et d'avoir une relation avec lui. La remise en question se situe davantage au niveau de notre propre représentation subjective. La tyrannie (qui n'est pas toujours politique), c'est de vouloir façonner et réduire le monde extérieur à sa propre pensée.
La morale est toujours restrictive à sa propre façon d'appréhender le monde. Dans un esprit généreux, des esprits humains ont codifié des comportements, mais au final ils s'en sont rendus esclaves. Le puritanisme protestant pourrait faire figure d'exemple d'une vie complètement "amidonnée".
Je suis d'accord qu'il nous faut acquérir d'autres réflexes, et une plus grande souplesse spirituelle.